Le Pont des Arts et des Rencontres Culturelles Blanche Maynadier
Premières pages
du livre Prénom Mouchette
d'Hélène Marach
Avant-propos
Est-ce qu’ils en savaient quelque chose ?
Sûrement pas. Ils n’étaient pas de grands lecteurs…
Quatre petites étagères de livres.
Liselotte ou Mouchette ?
Ils ont hésité.
La mère dit à l’enfant « c’était plus léger » et ses
mains passent devant leurs yeux comme une aile.
Une chose volante qui se dit avec un fin sourire.
Décidément, non, ils ne savaient rien du précédent
littéraire. Cette Mouchette au destin tragique.
Et l’enfant fut ainsi nommée.
***
Jardins pillés de printemps. Enfants lâchés dans les
petites rues cossues. Éparpillés.
Des fleurs derrière des grilles. Enfants soudain jetés
hors de la cour et qui s’accrochent au fer forgé des
immenses petits jardins au cœur des pivoines. Les
cytises brillent. Les lilas gonflés. Les roses en
bouton. Les roses rose bonbon.
Enfants en maraude qui grimpent aux grilles, tirent
à la courte paille, se font la courte échelle pour
retomber sur les gazons gras de petites rues
paisibles. Enfants voleurs de corolles, brasseurs de
tiges, piétineurs de pervenches, receleurs d’odeurs,
voraces sauterelles.
Grêles, joyeux, des merles de rires, jardiniers du
bitume qui glanent aux jardins. Mouchette court sa
joie de soleil.
Enfants, giclée d’enfants qui s’éclaboussent des
pluies d’arrosage, et s’essaiment, riches des pétales
épais de leur floraison.
Et riant de la gueule de loup des villas rassasiées.
…
Mouchette est revenue de l'école avec un petit
bouquet de primevères serrées dans sa main. Sa
mère s'en empare d’un geste vif déjà préoccupée du
geste suivant, le plonge dans un verre d'eau, les tiges
en ficelles bien droites. Les corolles flottant.
Légèreté des fleurs à la surface de l’eau. Le bouquet
ne dit plus rien de l'audace du larcin, dans ce verre
épais de fleurs surnageant. Plus rien du vieux portail
rouillé, grinçant sous la poussée appuyée de ses deux
bras, et de la révélation du vieux jardin abandonné.
Un verger d’arbres moussus, et d’herbes hautes, puis
un parterre de primevères.
Le verre va rester sur le buffet de la cuisine,
il relâchera une fourmi buissonnière, ses pétales iront
se fanant.
…
La deuxième fois, c’est avec quelques tiges de roses
épineuses et drues, de ces roses rouges, anciennes, et
un début de pivoine fermé comme un poing, une
griffure légère au bras et des pois de senteur. Mai
déploie ses floraisons et la rue Bombée embaume ses
fragrances d'acacias. Mouchette a de nouveau
entrouvert le portail, cœur battant, s'est faufilée au-delà des primevères
s’est faufilée sur l'herbe fraîche,
toute d’affût.
Le bouquet est haut et ne tiendra pas dans un verre.
Sa mère sort le vase bleu et y plante le bouquet.
Celui-ci fait son séjour sur le frigidaire dans l'entrée.
Il s'étiole dans la pénombre des allées et venues.
Derniers commentaires
10.05 | 13:25
Hello Didier,
Après Art-Cœur, un autre point de contact avec tes mondes poétiques, j'attends la prochaine rencontre avec impatience,
Christian
24.04 | 07:54
"La véritable musique est le silence et toutes les notes ne font qu'encadrer le silence" (Miles Davis)
08.11 | 18:36
Bonjour, j'ai cotoyé votre maman à Molay et je voudrais vous envoyer une photo que j'ai prise devant sa maison natale
07.08 | 16:21