Le Pont des Arts et des Rencontres Culturelles Blanche Maynadier
Ce quatrième recueil d'Yves Barnoles nous emporte vers de nouveaux rivages poétiques....
Préface de Martial Maynadier
Directeur de la Collection le Parc
Yves Barnole, au fil des recueils, laboure son champ poétique, entretient son verger lyrique et cultive des fleurs et des fruits de tendresse et d’humanité qu’il distribue généreusement à ses amis lecteurs. Ce sont des produits bio, garantis sans chimie, ni engrais nocifs, qui ne peuvent que développer la santé et donner belle forme au sourire des amis.
Yves est plus qu’un poète qui cisèle les mots et peaufine ses rimes, c’est un philosophe, que l’expérience humaine a rendu sage. Si parfois son chant est douloureux, et cruel comme la vie, le sourire n’est jamais loin, et le charme est constant.
Son humilité de galet bien poli « chauffé par le soleil marin », déposé par le sort, ou le hasard, dans « le fond du ruisseau », nous réchauffe le cœur et nous console. Grands ou petits, en haut ou en bas de la roue de fortune, les humains n’en mènent pas large, et ne durent pas longtemps, mais ils peuvent chanter leurs peines et leur joies, et cela réenchante le monde. C’est la leçon du barde, qui nous laisse ici son message dans les belles modulations de sa voix poétique…
Il est des vies illustres, des existences plus ou moins exemplaires, dans la vertu ou dans le crime, menées sous les lumières des médias, dont tout un chacun connaît ou pense connaître les détours et les rebondissements.
Mais il n’en va pas ainsi pour la grande majorité des mortels.
Pour la plupart d’entre nous, notre vécu quotidien semble aux yeux des autres n’avoir ni méandre impressionnant, ni cascade écumeuse, mais au contraire se dérouler dans une égalité d’âme qui confine à l’immobilité apparente des grands fleuves ou des sphères célestes.
Cependant, sous l’apparente impassibilité du galet chauffé par le soleil marin ou déposé au fond du ruisseau, un tumulte de courants d’émotions et de pensées, un torrent de sentiments s’agite en tout être, dans un voyage qui pour n’être qu’intérieur, a bien un repère chronologique A, de départ, et un repère chronologique B, d’arrivée.
La gentillesse et la politesse dont nous faisons preuve durant ce laps de temps envers nos contemporains se nourrissent en fait de la force nécessaire à une acceptation sans aigreur de ce que nous sommes, avec nos limites, nos défauts et nos qualités, et les insuffisances que nous combattons en nous-même et tolérons avec bienveillance chez autrui.
Je me propose ici de vous tendre un miroir dans lequel vous devriez retrouver la luminosité de votre sourire et la beauté de vos propres traits.
Montgeron, le 13-I-19
Quand les vents vous sont contraires…
Au début, le galet ne demande rien à personne. Sa tranquillité minérale n’a d’égale que son indifférence. A moins, bien sûr, qu’il ne faille observer, dans les réactions chimiques qui produisent l’ovulation, puis la production du sperme, les prémices d’un désir de vivre émané de ce qui deviendra, une éternité plus tard, un « je », femelle ou mâle.
Cette interprétation me semblerait aller un peu loin, mais quand cessent les lois de la chimie ? Il n’existe aucun exemple qu’un être humain, sur ce plan précis, soit parvenu à oncques moment, jusques après son décès, à s’en affranchir.
Ainsi commence donc l’odyssée sous-marine de chaque galet. Ulysse voulait rentrer chez lui, le bébé n’a jamais eu l’intention de se mettre à penser, à désirer, à aimer. Et puis le hasard, ou le caprice d’un Dieu courroucé…
C’est ce cri surpris indigné
Que pousse l’enfant en naissant
C’est la découverte des fées
Dans les contes que l’on entend
L’ivresse du premier baiser
Les timidités les élans
Dénudés de l’ancien mystère
Qui les faisait danser dans l’air
Portés par le son de la voix
Les mots que l’on apprend à lire
Deviennent des amis de choix
Quand on parvient à les écrire
C’est aussi le premier chagrin
Le postérieur qui est trop lourd
Quand l’équilibre est incertain
Les récréations dans la cour
La honte devant les copains
Le premier acte de bravoure
C’est tout cela que l’on emmène
Tout cela et bien plus encore
Les fois suivantes les prochaines
Ce qu’on hait et ce qu’on adore
Les rêveries inabouties
Et les volontés accomplies
Le temps nous use c’est certain
Le temps nous alourdit c’est sûr
Pourtant tous ces apprentissages
Peu à peu nous font plus sereins
Au fil de la grande aventure
Qu’est notre fugitif voyage.
à suivre....
Préface de Martial Maynadier
Directeur de la Collection le Parc
Dans ce troisième ouvrage publié dans la Collection le Parc, Yves Barnole nous propose des proses ….et des prosits. Le titre exprime bien le caractère particulier d’un ouvrage qui présente non seulement des récits, mais également quelques vers à partager, avec une saveur mélancolique. L’amour est triste comme le vin, quand il est bu jusqu’à sa lie d’amertume. La jeunesse passe et la vie est cruelle. Mais la grâce du style et la lueur d’espoir finale rachètent la tristesse du tableau. L’auteur ne nous laisse pas oublier qu’il est peintre, il nous fait voir les personnages en action, autant qu’en intentions, en velléités serait mieux dire. D’histoire en histoire, une vision du monde, sensible et délicate, s’offre au lecteur et dit l’essentiel d’un parcours de vie, douloureux , mais non désespéré, pour des personnages attachants, qui au fond des choses (et des bouteilles) parlent à notre cœur d’une histoire qui nous touche de près. La nôtre. Celle des hommes et des femmes d’aujourd’hui aux prises avec l’humaine et difficile condition…
Avant-propos de l'auteur
Il semble que certains d’entre nous, soit comble de malchance, soit témérité aveugle, soit imbécillité particulièrement prononcée, aient le don de se fourrer dans des situations impossibles. Et je ne dis pas ça pour me vanter.
Dans la première de ces courtes histoires, vous rencontrerez une dame âgée qui, pour être au crépuscule de sa vie, ne m’est pas moins sympathique pour autant. Puisse-t-elle vous séduire aussi.
Le second texte, ainsi que le quatrième d’ailleurs, consistent en un mélange de prose et de poèmes, des « monstres » littéraires hybrides qui pourtant, puisqu’ils sont dotés comme tout le monde d’un début et d’une fin, n’en constituent pas moins une entité reconnaissable. Je les ai appelées « récits en poèmes », bien que l’ensemble des deux textes participent à la fois de la narration, de l’analyse, et de la poésie.
Les deux derniers écrits justifient enfin l’illustration de couverture que j’ai choisie.
10/03/19
Nouvelle
Madame veuve Bourgeron, après avoir soigneusement verrouillé la porte d'entrée, descendait l'escalier entouré de son jardin en ébullition. Le retour des beaux jours, chaque année, et chaque année de plus en plus, grâce aux bons soins de madame Bourgeron, semblait mettre les parterres en émeute. Les dahlias, cette fois-ci encore, paraissaient bien partis. Cette prolifération assistée réjouissait les yeux d'Emilie Bourgeron, tout en l'inquiétant un peu.
En effet, celle-ci n'avait pas vu sans un léger pincement au cœur s'amenuiser peu à peu la belle variété de son domaine. D'autant plus que certaines plantes, qui auraient nécessité une attention extrêmement soutenue, pourtant tout aussi attachantes, avaient dépéri lentement. Mais son corps engainé d'imprécision ne lui permettait plus de faire respecter la même discipline que par le passé. C'est tout juste s'il lui restait la force de faire respecter les allées. Et de choyer ses dahlias, bien sûr. Elle arrêta son regard, le temps d'une caresse fugitive, à peine plus appuyée, sur le rosier, puis sur la majesté du tilleul.
La porte de la grille n'était pas fermée à clef. Quand Emilie était à la maison, elle ne verrouillait que celle du perron. Elle sortit sur le trottoir, chercha précautionneusement dans le trousseau, après avoir tiré derrière elle la poignée décorée, et fit, lentement, jouer la serrure.
Une moto passa dans la rue, derrière elle, avec un vacarme à faire sauter les cheminées du toit. Elle allait beaucoup trop vite. « Le président devrait être plus ferme, » songea fugitivement Emilie, sans se retourner.
La banlieue avait été calme, quand Léon et elle avaient fait bâtir le pavillon. C'était peut-être un signe des temps, mais pas de bon augure, voilà, trotta-t-elle menue vers la place du marché.
Le temps, ce jour-là, était à ramage de vent frais et léger sur fond de soleil, avec néanmoins quelques nuages pendus au fil des heures. De saison, quoi. Monsieur Troche avait pris son lundi pour repeindre sa grille. Elle ne serait pas mal non plus, en vert foncé. Lorsqu'Emilie passa à sa hauteur, sur le trottoir d'en face, il la héla à travers la rue, avec un vaste sourire : « Alors, madame Bourgeron, on va encore faire perdre la tête à quelques jeunes gens ?
― Eh, ma foi, monsieur Troche, il faut bien que les messieurs de votre âge se décident à laisser la place aux jeunes ! » Emilie s'arrêta, prit une mine de conspiratrice que démentait la distance qui la séparait de son interlocuteur :
― Faut dire, cria-t-elle encore, que j'préfère la soupe bien chaude...
Monsieur Troche s'esclaffa tandis qu'Emilie, souriante, se remettait à butiner son chemin.
(à suivre)
Avant-propos
Ce petit recueil faisant suite aux Poèmes Nus, il s’est tout d’abord nommé « poèmes rhabillés ».
Mais en fait, qu’il emploie le ton de l’ironie, de la colère ou de la tendresse, le brave bonhomme qui prend la peine de coucher sur le papier ce que son regard entrevoit du monde, quoi qu’il fasse, se met toujours à poil (et à plume) : on devine sans peine derrière les pirouettes des mots l’ombre de leur marionnettiste.
J’ai donc préféré, dans le titre, tourner l’œil du lecteur vers cette petite tête enfiévrée qui ne parvient à voir du vaste univers que ce qui ne se cache pas à son regard imparfait.
Montgeron, le 24/10/17
Extraits:
Au point du jour
Les gens enfin dorment en paix
Tandis que le vent adouci
Soulève des lambeaux de nuit
Les gonfle un peu les fait rouler
Le long des maisons et des haies
Dans les maisons rassérénées
Les soucieux n’ont plus de soucis
Les hargneux n’ont plus d’ennemis
Les obérés n’ont plus de dettes
La nuit se blottit et s’arrête
Et le vent se tait comme un chat
Qui aurait trouvé un endroit
Tout chaud tout doux pour se lover
Se toiletter et ronronner
Un gros chat puissant mais gavé
Tout semble ici rester tranquille
Un rêve va par-ci par là
Frôler d’une main amicale
Un front qui se calme déjà
Et la douleur devient docile
Dans la paix grise et générale
Et le jour qui hésite encore
Timide au bord de l’horizon
Glisse un soupçon de rose ou d’or
Sur un nuage ou un buisson
Il est pourtant sur la planète
Des gens aveuglés par le fric
Un altruisme narcissique
Leur font goûter les éperons
De ce cavalier malhonnête
Qui porte le nom d’ambition
Pour un non ou pour un oui-da
Pour un pétrodollar de plus
Un peu de pouvoir délétère
Il faut savoir que ces gens-là
Sans l’ombre d’une hésitation
Assassineraient Terre et Mer.
Trop tard
Un cran d’arrêt arme d’escarpe
S’est enfoncé en moi
Soudain
C’était printemps dans tous les arbres
Montait
La sève
Vibrante et chaude
En moi la sève
N’a fait qu’un tour tour de cochon
Pour mieux punir
Car je ne suis qu’un marcassin dans le vieux corps
D’un solitaire embarrassé
D’une érection
Qui ne servira plus jamais trop con trop laid
Trop vieux surtout
Vois
Les nanas dans leur printemps
Se rient du machin en hiver
La vie phénix fuit les corbeaux
Corbeaux trop blancs
Je le savais quand je disais
Que je ne chanterais jamais
Croasserais jamais
Chanterai
Plus
Jamais.
Le croissant
C’est pourtant bien une habitude
Ce petit mot tous les matins
D’accord ça réchauffe et ça fait du bien
L’amour y prend sa plénitude
Tandis que tu dors blottie place
Souham que je suis à Vigneux
On abolit le temps l’espace
Pour rester un peu tous les deux
Mais quand je n’ai rien à te dire
Que les mots doux m’ont déserté
Comme en ce moment j’en transpire
Je sais pas quoi te raconter
Tu sais ce serait moins frustrant
Bien qu’un peu de la lâcheté
De me contenter simplement
De sortir et de t’acheter
Un croissant.
....................................................
Premier recueil paru :
Avant-propos
La vie d’un être humain, c’est une trajectoire qui part de sa naissance et s’achève par son décès.
On peut le déplorer, considérer ce fait comme une injustice, une cruauté gratuite, ou bien au contraire l’accepter comme allant de soi et penser que la mort est un des éléments naturels de la vie, comme respirer et se nourrir, on n’y peut rien.
Quel que soit le point de vue adopté par l’être vivant, le fait qu’il existe une limite à la durée de son existence reste un des rares éléments de sa vie qui échappe à son pouvoir. Car entre- temps, il y a toute la liberté, toute l’ivresse d’exister.
J’ai opté en titre pour ce trait d’humour car je crois qu’il est plus sain de tenter de rire de ses impuissances que de les contempler avec une délectation morbide. En outre, la vie me semble exaltante et riche, tant en peines qu’en joies, et il me paraît indéniable que la liberté et la volonté de chacun y tiennent une place presque aussi importante que le hasard.
Oui, pour moi, le sac de sable vole, vole éperdument jusqu’à la seconde de l’impact au sol. C’est tellement beau et sensuel d’avoir un corps, de la pluie ou du soleil pour le caresser, d’avoir un esprit pour s’en rendre compte, que toute autre comparaison me semblerait réductrice. C’est un royaume immense que celui d’être en vie, et chacun en est le seul souverain.
Et ce serait trop triste de n’être qu’un tas de sable cloué au sol, à jamais inerte.
Y. B., le 26 août 2018
QUELQUES TEXTES :
L’automne arrive avec septembre,
L’été pourtant est toujours là.
Il fait plus frais dans notre chambre,
J’ai vu tomber trois feuilles mortes
Et j’ai pensé à tes lilas,
Aux joies qui leur faisaient escorte.
L’avenir a bien du mérite…
Un train arrive, un autre part,
Mais les miens ne font que partir
Malgré tout l’amour qui m’agite.
La main tendue devant la gare,
Un mendiant tentait de sourire.
Mais quel est ce tumulte autour d’une interro ?
On va l’interroger.
C’est comme en classe
« Prenez une feuille blanche, inscrivez la date »
Ou bien « Passez au tableau »
Ça finit toujours par une question.
Tu réponds ce que l’on t’a appris
Et tu reçois une note.
Les parents sont affolés les profs sont fébriles
Alors le minot se demande
« Qu’est-ce que j’ai oublié ? »
« Il y a un piège quelque part. »
« Ce que l’on m’a appris, est-ce bien la réponse ? »
Le voilà projeté dans l’univers de l’examen.
Soudain le carré de l’hypoténuse du triangle rectangle
Au lieu d’être comme d’ordinaire
La somme des carrés des deux autres côtés
Devient un triangle des Bermudes
Dans lequel se fourvoient A plus B au carré
Flanqués de A au carré plus B au carré
Tous ces carrés dans un triangle
Et les deux abbés
En perdent leur latin.
Puis c’est la première question
Et tout rentre dans l’ordre.
Le tableau noir est à sa place,
Les tables des élèves tournées vers lui
Aussi solides que d’habitude,
Et l’élève est le même
Que les jours précédents avec le même désir
De retourner dehors
Pour jouer à autre chose.
Le temps s’englue contre ma peau
Lent serpent vénéneux
Insidieux incisif
Y creusant des sillons de détresse
Le ciel est las ouaté gris-bleu
Fustigé d’éclats de blanc
Il est boudeur au bord des larmes
Et la cité s’ennuie
Malgré les cris d’enfants
Même le vent s’enroule en vain
Il se déchire sur les arbres
Vers quels horizons partir
Quand l’avenir est déjà là inscrit
Dans la douleur des articulations
Dans la lourde constriction
D’une vie qui m’étouffe
Et lentement paresseusement
Me digère en prenant son temps.
Un enfant rêve dans mon lit
Son cheval est un alezan
Flèche tendue vers l’infini
Je sais qu’il veut devenir grand
Un trois-mâts gîte sous le vent
De fiers marins prennent des ris
Et le plus fier c’est cet enfant
Papa sait quand il a menti
Le seau rouge à moitié rempli
Où trois têtards s’en vont nageant
La boue a bien séché depuis
Faut pas salir ses vêtements
De l’école il vient lentement
Il a encore été puni
Ça fera crier ses parents
Être enfant c’est bien du souci
Le temps se replie sur le temps
Un enfant rêvait dans mon lit
Le jour est levé maintenant
Parfois cet enfant je l’envie.
Suis-je mon cerveau, ou ma machinerie ?
Je suis né(e) dans un corps de chair, il y a de cela quelques siècles. Il ressort des études historiques que j’ai faites pendant mes loisirs qu’à cette époque, nous étions sexué(e)s, quoi que cela veuille dire.
Comme tous les êtres humains, à présent seul mon cerveau est encore organique. Outre le fréon et les résistances chauffantes pour le maintien d’une température d’environ 37° (pourquoi ?), il a besoin d’oxygène, fabriqué automatiquement par hydrolyse de l’eau ambiante, et de nutriments eux aussi synthétisés par la partie alimentation de mon corps, qui génère tous les éléments nécessaires à ma vie, dont l’électricité est la principale composante.
Nous n’étions pas non plus équipés de chenilles.
En effet, j’ai découvert avec stupéfaction que nous avions alors des « membres » ou des « jambes », je n’ai pas bien saisi la différence entre ces deux termes, s’il en existe une.
En revanche, je crois avoir compris que le mot « bras » désignait alors nos organes de préhension, de reconnaissance tactile et de manipulation, mais je ne sais pas s’il s’agissait d’un genre de pinces équipées de thermo-sondeurs, de palpes ou de ventouses.
En tout état de cause, les spécialistes devraient pouvoir m’éclairer sur ce sujet, je viens de diriger une unité de perception vers cette question.
Avant-propos
La vie d’un être humain, c’est une trajectoire qui part de sa naissance et s’achève par son décès.
On peut le déplorer, considérer ce fait comme une injustice, une cruauté gratuite, ou bien au contraire l’accepter comme allant de soi et penser que la mort est un des éléments naturels de la vie, comme respirer et se nourrir, on n’y peut rien.
Quel que soit le point de vue adopté par l’être vivant, le fait qu’il existe une limite à la durée de son existence reste un des rares éléments de sa vie qui échappe à son pouvoir. Car entre- temps, il y a toute la liberté, toute l’ivresse d’exister.
J’ai opté en titre pour ce trait d’humour car je crois qu’il est plus sain de tenter de rire de ses impuissances que de les contempler avec une délectation morbide. En outre, la vie me semble exaltante et riche, tant en peines qu’en joies, et il me paraît indéniable que la liberté et la volonté de chacun y tiennent une place presque aussi importante que le hasard.
Oui, pour moi, le sac de sable vole, vole éperdument jusqu’à la seconde de l’impact au sol. C’est tellement beau et sensuel d’avoir un corps, de la pluie ou du soleil pour le caresser, d’avoir un esprit pour s’en rendre compte, que toute autre comparaison me semblerait réductrice. C’est un royaume immense que celui d’être en vie, et chacun en est le seul souverain.
Et ce serait trop triste de n’être qu’un tas de sable cloué au sol, à jamais inerte.
Y. B., le 26 août 2018
QUELQUES TEXTES :
L’automne arrive avec septembre,
L’été pourtant est toujours là.
Il fait plus frais dans notre chambre,
J’ai vu tomber trois feuilles mortes
Et j’ai pensé à tes lilas,
Aux joies qui leur faisaient escorte.
L’avenir a bien du mérite…
Un train arrive, un autre part,
Mais les miens ne font que partir
Malgré tout l’amour qui m’agite.
La main tendue devant la gare,
Un mendiant tentait de sourire.
Mais quel est ce tumulte autour d’une interro ?
On va l’interroger.
C’est comme en classe
« Prenez une feuille blanche, inscrivez la date »
Ou bien « Passez au tableau »
Ça finit toujours par une question.
Tu réponds ce que l’on t’a appris
Et tu reçois une note.
Les parents sont affolés les profs sont fébriles
Alors le minot se demande
« Qu’est-ce que j’ai oublié ? »
« Il y a un piège quelque part. »
« Ce que l’on m’a appris, est-ce bien la réponse ? »
Le voilà projeté dans l’univers de l’examen.
Soudain le carré de l’hypoténuse du triangle rectangle
Au lieu d’être comme d’ordinaire
La somme des carrés des deux autres côtés
Devient un triangle des Bermudes
Dans lequel se fourvoient A plus B au carré
Flanqués de A au carré plus B au carré
Tous ces carrés dans un triangle
Et les deux abbés
En perdent leur latin.
Puis c’est la première question
Et tout rentre dans l’ordre.
Le tableau noir est à sa place,
Les tables des élèves tournées vers lui
Aussi solides que d’habitude,
Et l’élève est le même
Que les jours précédents avec le même désir
De retourner dehors
Pour jouer à autre chose.
Le temps s’englue contre ma peau
Lent serpent vénéneux
Insidieux incisif
Y creusant des sillons de détresse
Le ciel est las ouaté gris-bleu
Fustigé d’éclats de blanc
Il est boudeur au bord des larmes
Et la cité s’ennuie
Malgré les cris d’enfants
Même le vent s’enroule en vain
Il se déchire sur les arbres
Vers quels horizons partir
Quand l’avenir est déjà là inscrit
Dans la douleur des articulations
Dans la lourde constriction
D’une vie qui m’étouffe
Et lentement paresseusement
Me digère en prenant son temps.
Un enfant rêve dans mon lit
Son cheval est un alezan
Flèche tendue vers l’infini
Je sais qu’il veut devenir grand
Un trois-mâts gîte sous le vent
De fiers marins prennent des ris
Et le plus fier c’est cet enfant
Papa sait quand il a menti
Le seau rouge à moitié rempli
Où trois têtards s’en vont nageant
La boue a bien séché depuis
Faut pas salir ses vêtements
De l’école il vient lentement
Il a encore été puni
Ça fera crier ses parents
Être enfant c’est bien du souci
Le temps se replie sur le temps
Un enfant rêvait dans mon lit
Le jour est levé maintenant
Parfois cet enfant je l’envie.
Suis-je mon cerveau, ou ma machinerie ?
Je suis né(e) dans un corps de chair, il y a de cela quelques siècles. Il ressort des études historiques que j’ai faites pendant mes loisirs qu’à cette époque, nous étions sexué(e)s, quoi que cela veuille dire.
Comme tous les êtres humains, à présent seul mon cerveau est encore organique. Outre le fréon et les résistances chauffantes pour le maintien d’une température d’environ 37° (pourquoi ?), il a besoin d’oxygène, fabriqué automatiquement par hydrolyse de l’eau ambiante, et de nutriments eux aussi synthétisés par la partie alimentation de mon corps, qui génère tous les éléments nécessaires à ma vie, dont l’électricité est la principale composante.
Nous n’étions pas non plus équipés de chenilles.
En effet, j’ai découvert avec stupéfaction que nous avions alors des « membres » ou des « jambes », je n’ai pas bien saisi la différence entre ces deux termes, s’il en existe une.
En revanche, je crois avoir compris que le mot « bras » désignait alors nos organes de préhension, de reconnaissance tactile et de manipulation, mais je ne sais pas s’il s’agissait d’un genre de pinces équipées de thermo-sondeurs, de palpes ou de ventouses.
En tout état de cause, les spécialistes devraient pouvoir m’éclairer sur ce sujet, je viens de diriger une unité de perception vers cette question.
Derniers commentaires
10.05 | 13:25
Hello Didier,
Après Art-Cœur, un autre point de contact avec tes mondes poétiques, j'attends la prochaine rencontre avec impatience,
Christian
24.04 | 07:54
"La véritable musique est le silence et toutes les notes ne font qu'encadrer le silence" (Miles Davis)
08.11 | 18:36
Bonjour, j'ai cotoyé votre maman à Molay et je voudrais vous envoyer une photo que j'ai prise devant sa maison natale
07.08 | 16:21