Le Pont des Arts et des Rencontres Culturelles Blanche Maynadier

SATAN SUPERSTAR d' ANNE LEGRAVRERANT

Du même auteur :

L’impasse, roman publié sur le site Amazon, 2016.

             Plaisirs gourmands au Touquet, chez Arthémuse, 2016.

                Souvenirs d’enfance, illustré par Franck Ayrolles,

                     pour Médecin sans frontières, 2016.

 Parasites, roman publié sur le site Amazon, 2017.

Un extrait de  Satan Superstar

Adoubé

Je suis extrêmement gêné ; chaque semaine je me présente en retard chez vous. Il faut dire que j’ai d’infâmes problèmes de transit. Ma mère avait pour habitude de me mettre un pruneau à côté de mon assiette. Je crois que de venir vous voir remue beaucoup de choses, parce qu’à chaque fois je suis malade. Il faudrait presque que j’arrive une demi-heure plus tôt pour anticiper le fait que je puisse être malade. Oui, excellente idée, faisons comme ça. Désormais j’arriverai dès quinze heures pour aller aux toilettes.

L’autre jour, je n’ai pas terminé de vous dire comment j’ai été recruté. Ce moment est pourtant d’une importance extrême dans mon histoire. Je vous disais que l’Archevêque m’avait fait convoquer. Il me reçut donc dans son bureau, ce jour de neige et d’attentat. À cette époque, j’avais peine à trouver ma place. J’avais bien obtenu la paroisse de Combourg mais je fus renvoyé suite à une pétition des paroissiens à propos d’un prêche sur Marie-Madeleine la putain. Oui, c’est une putain, et de la pire espèce je vous prie de le croire. La religion catholique est en perte de vitesse, car elle use en abondance d’euphémismes. Ce n’est pas une simple pécheresse. Le péché c’est mignon, on a presque envie de croquer dedans. Marie-Madeleine, c’est le Diable incarné. Je hurlais sur mon perchoir « La putain ! La putain ! » Quand les gens se sont indignés. Les grands hommes sont souvent critiqués me suis-je dit. Je pensais à mon père en prêchant, lui il aurait apprécié. J’ai tristement accepté mon sort. L’Archevêque était furieux après moi. Peu m’importait. Je suis resté plusieurs mois à m’occuper des archives. Personne ne me parlait. J’étais en jachère. J’attendais de voir ce que le monde ferait de moi cette fois. L’Archevêque m’a alors convoqué. Il était énorme dans sa soutane violette, le teint de l’alcoolique idéal. Je ne l’aimais pas non plus, je ne l’ai jamais trouvé digne de ce poste. Il suintait le rouge vinaigré. Il était répugnant. J’étais persuadé qu’il allait encore me gueuler dessus comme sur un débile. Il me donnait toujours l’impression quand il me parlait de vouloir pousser un cube dans un cercle. Ça ne passait pas ! Je ne comprenais rien, je ne voulais rien comprendre. On se regardait comme deux labradors en fin de vie, l’œil creux. Alors j’ai été un peu surpris quand il a souri. Puis, quand il a posé la main sur mon épaule. « Père Michel, j’ai une grande nouvelle pour vous. Bien qu’excessif, vous avez fait montre d’une volonté farouche de combattre le démon. Nous avons eu bien du mal à vous trouver un poste, et pourtant, il était là, sous notre nez depuis le début. Père Michel, l’Archange en vous aura le plaisir d’exercer tout son pouvoir comme prêtre exorciste ! » Exorciste… J’étais stupéfait. Jamais je n’avais pensé être exorciste, et voilà que c’était évident ! Ce poste était le mien. Je me battrai à mains nues, la foi comme seule arme. Je comprends aujourd’hui ma vanité. À l’époque, je me suis jeté dans les bras de l’Archevêque, qui a eu une réaction de dégoût. Le naturel le dépassait. Je le répugnais comme j’avais répugné tous les autres. Peu importait, aujourd’hui je comprends. Je comprends que j’étais le couillon de service, et qu’il fallait bien me coller quelque part. Ils s’en foutaient que l’exorciste du coin soit un con, passe pour un clown, un exorciste c’était passé de mode. Je serais donc le grand couillon du démon après avoir été celui du Diocèse, celui du Séminaire, celui de l’école… À l’époque, j’y croyais pourtant. Je promis de ne décevoir personne. Et pour cause, la suite vous démontrera que j’ai été à la hauteur de leurs attentes : j’ai été un grand couillon. L’Archevêque fit des signes compulsifs : il répétait inlassablement les mêmes gestes comme pris d’une angoisse. Il n’arrêtait pas. Je vous certifie que c’était angoissant. Je suis aujourd’hui dans ce bureau Docteur, mais je vous garantis que cet homme pourrait y être aussi. À ce niveau, je crois que l’on peut parler de tocs. Il abaissait doucement ses deux mains et soufflait : « chuuuut ». Il aurait pu faire un effort, changer d’expression mais non. Je posais mille questions : quand commencerait la formation ? Quelle formation, me répliqua-t-il ? Était-il idiot ? Fallait-il être idiot pour entrer au Séminaire ? C’était à se demander. Une formation de boulanger ? De plombier ? Fallait-il être con pour me poser la question ? Il mit ses mains l’une en face de l’autre, chaque doigt embrassant son jumeau : « Vous savez prier, père Michel, alors vous savez exorciser ! » L’affaire semblait classée. Un exorciste était un prêtre banal. Première déception.

Derniers commentaires

10.05 | 13:25

Hello Didier,
Après Art-Cœur, un autre point de contact avec tes mondes poétiques, j'attends la prochaine rencontre avec impatience,
Christian

24.04 | 07:54

"La véritable musique est le silence et toutes les notes ne font qu'encadrer le silence" (Miles Davis)

08.11 | 18:36

Bonjour, j'ai cotoyé votre maman à Molay et je voudrais vous envoyer une photo que j'ai prise devant sa maison natale

07.08 | 16:21

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