Le Pont des Arts et des Rencontres Culturelles Blanche Maynadier

TRIPALIUM de Michel Lagut

Le début du livre....

 

Avant-propos

 

Lorsque les hommes du Paléolithique passèrent au Néolithique, ils parquèrent des animaux, se mirent à planter et le travail naquit.

L’étude de la question du travail peut paraître prétentieuse. Cela demande une réflexion approfondie, difficile car chacun perçoit ce concept selon lui-même alors qu’une grande objectivité est requise pour le comprendre.

Au début du néolithique, dans l’humanité primitive cette notion de travail devait être inconnue. L’homme, qui au lieu d’aller à la chasse demeurait dans la grotte pour peindre des animaux sur les parois ne travaillait pas plus que ses compagnons qui pourchassaient le gibier.

Conjointement à côté de l’idée de travail a dû apparaître celle de propriété conséquemment à la création de l’élevage et de la culture.

Avec le temps le travail devint un rapport social, une activité socialisée et socialisante mais aussi un élément économique. S’il était devenu un moyen d’accroissement économique, social et subjectif, il pouvait aussi être la racine d’abus et d’aliénation. Le « bon » travail serait une activité contribuant à l’individuation par la construction de la singularité du travailleur.

Avant mais c’était avant, l’accès aux richesses produites était permis pour les uns par leur salaire pour les autres par le revenu de leurs propriétés, de leur portefeuille. 

Pour accentuer le volume des produits fabriqués, il faudrait plus de travail donc une attribution de plus de salaire qui permettrait une approche plus large à ces biens.

L’équilibre entre la demande et l’offre se réalisait naturellement mais cet équilibre fut anéanti par les progrès technologiques. Ceux-ci permirent la diminution du travail mais aux dépens des travailleurs.

Le système technique remplace les individus par des automatismes mécaniques beaucoup plus contrôlables et le travailleur est contraint de suivre des préceptes qu’il réprouve.

Avec la linguistique managériale appliquée aux travailleurs, il n’y aurait plus de salariés ni de main d’œuvre, il n’y aurait que des collaborateurs. Le but caché est de suppléer à l’aspiration d’individuation une dynamique d’individualisme.

Le monde du travail en falsifiant les idéaux, en travestissant les principes d’émancipation en principes de domination devient un monde de lutte.

La qualification gratifiante d’entrepreneur de soi-même métamorphose soi-même en marchandise à des fins productives.

La destruction de l’emploi, la rareté de la force de travail crée un problème social entre les salariés et les tenants du capital. Le capitalisme ayant déréalisé le réel, il est devenu psychotique lui-même, il n’a pas seulement paumé l’esprit, il a perdu la raison, le bon sens.

La société automatique et réticulaire s’affranchit, s’émancipe par un individualisme sans borne qui est en réalité une déchéance des gens par le grégarisme qui se prétend purgé de toutes les contraintes.

C’est alors qu’il faut refuser la condition humaine issue de l’intégrisme économique et ne pas s’abandonner à la société automatique et réticulaire qui s’émancipe par un individualisme débridé.

 

 

Travail et numérisation

 

 

La clef du futur serait la transformation numérique pour et par le travail. Une numérisation omniprésente appliquée à tous les hommes, à tous les animaux, aux chiens, aux chats et dans le désordre aux écoles, aux hôpitaux, aux retraités, aux actifs, aux bureaux, aux entreprises etc… voilà la solution.

Cette mixture digitale n’est cependant pas un élixir magique.

La déferlante numérique plonge les décideurs politiques dans l’expectative car les pontes, les acteurs du numérique demeurent très divergents dans l’appréciation de la création d’emplois par la numérisation.

Dans les prochaines décades, avec la vague de l’automatisation qui va déferler, beaucoup d’emplois seront détruits. Et ce brusque changement pourrait produire une automatisation de la façon de penser : tout dépendra de la manière dont on utilisera les nouvelles technologies.

Pour le travail il en est de même, le travailleur peut être encore plus mécanisé, transformé en simple outil ou au contraire être plus créatif et empathique ce qui concourt à l’individuation, à la construction de la singularité de chacun.

Le système capitaliste se régénère sans cesse pour augmenter ses bénéfices de productivité avec de nouvelles activités afin de mettre l’inventivité au service du consumérisme.

Cette politique qui accélère la consommation produit                      la suppression de branches entières d’activités économiques, de structures sociales, d’environnements naturels, d’espaces mentaux.

In fine, la révolution numérique serait sensée créer des emplois. Si en premier elle en supprime, qu’elle donne à des robots plus efficaces une part du travail, cela peut être utile et salutaire.

Que des travaux mécaniques répétitifs soient remplacés par des machines cela libère les hommes. Le danger apparaît quand la théorie du tout numérique nourrit un relâchement généralisé.

Les technologies numériques exploitées surtout à des desseins de marketing, à des profits à court terme provoquent une perte des forces vives de progrès et une disparition du savoir, du savoir-faire et du savoir vivre.

Le nouveau monde numérique transforme en partie les humains en instruments, en exécutants incapables de création, d’improvisation.

Ceci apparaît d’autant plus chez les politiques, qui à propos du problème du travail parlent sans cesse de réformes qui se réduisent à essayer une accoutumance obscure au néolibéralisme de la réalité : la crise de l’emploi. Celui-ci ne se rend désirable aussi, que par la menace constante du chômage toujours cinglant et dramatique.

Le management amène parfois une démobilisation quand il provoque le découragement et l’infantilisation chez les travailleurs. Sans engagement motivant ceux-ci subissent leur propre activité : auxiliaires d’une machine, ils deviennent eux-mêmes des machines, des automates      tout le contraire de la construction de soi-même, de l’individuation.

Longtemps le travail fut l’expression d’un savoir. Avec le transfert des savoirs faire vers la machine, le travailleur est dépossédé de sa « science » en même temps qu’il n’est plus seulement un producteur mais aussi et surtout un consommateur.

L’oppression et la domination du système capitaliste sont sournoises dans la mesure où elles travestissent l’envie d’émancipation caractéristique aux démocraties qu’elles-mêmes relèvent d’un capitalisme régulé. Il s’agit là d’un mécanisme insidieux qui consiste à faire d’une indépendance un nouveau principe d’inféodation.

Il faut rejeter l’idée d’un développement enrichissant avantageux pour tous, d’un capitalisme déployant une valeur émancipatrice pour percevoir dans le futur l’émergence d’une pensée littéralement envoutée par le principe de domination.

Le processus d’individuation a laissé place à un hyper individualisme fortement impuissant car il est débranché des formes collectives de résistance.

La vie en société exige que l’on se plie à certaines règles dans les rapports sociaux mais on ne va pas jusqu’à inscrire ces lois dans une morale et cela favorise une polarisation sur « soi » qui est proche d’un narcissisme primaire du moi absolu : un moi vide, infantile narcissique : un trou noir.   

Ce narcissisme est le signe même d’une emprise, le contraire d’une marque d’indubitable reconnaissance. Plus le miroir renvoie l’image de ses faiblesses, plus le narcissisme du travailleur est mis à mal.

L’individu s’enlise dans une recherche narcissique de lui-même, à la poursuite permanente de gratitude sociale et de ce fait se retrouve enfermé dans la mascarade des idéaux démocratiques qui sont transformés en chaines normatives.

Le formalisme de reconnaissance au travail peut devenir une imposture qui produit une dépendance qui devient l’espace d’un futur asservissement.

Le capitalisme est rempli de complaisances falsifiées crées pour mieux abuser le travailleur. La phraséologie managériale ne parle plus de salaire, de main d’œuvre mais de travailleur entrepreneur. Le sentiment de gratifier les employés d’entrepreneurs d’eux-mêmes fait penser que le nouveau travail provient d’une décision personnelle.

EUDES PRINCE DES GOUBOTS de MICHEL LAGUT

Préface de Martial Maynadier

Directeur de la Collection le Parc

 

Michel Lagut est décidément un auteur prolifique et surprenant. Après ses souvenirs d’enfance et de vie, ses ouvrages de réflexion philosophique, économique, sociale, les romans réalistes, les études locales, j’en passe et des meilleurs, il nous propose à présent un grand roman historique médiéval, dans la lignée d’Alexandre Dumas. À  cela s’ajoute une fresque romanesque, une histoire d’amour passionnée et passionnante sur fond de guerre et de paix, qui fait penser cette fois à Margareth Mitchell et à son  inoubliable roman « Autant en Emporte le Vent »…  Ce n’est pas ici le Sud des États-Unis ravagé par la Guerre de Sécession qui fait arrière-plan, mais la campagne jurassienne, que Michel Lagut connaît et pratique de longue date, et plus particulièrement Rahon, et ce territoire entre Loue et Doubs.  En faisant de son héros Eudes, le Prince des Goubots, l’auteur donne ses lettres de noblesses à ce territoire, devenu aujourd’hui réserve naturelle après avoir connu le temps des guinguettes et baignades… Michel Lagut met en évidence que même les plus petits villages et les lieudits s’inscrivent dans la grande Histoire.  Avec érudition, verve et talent, il restitue le roman des pierres et l’épopée des châteaux disparus…

 

 

 

 

 

Naissance et jeunesse

 

Au début du quinzième siècle Olivier de Longwy, seigneur de Rahon, avait pour épouse Claude de Nevers. Il avait reçu en dot de son épouse une créance de trois mille écus d’or. Ses parents étaient Mathée de Longwy et la fille de Guillaume de la Trémoille.

Olivier avait reçu  en même temps que la terre de Rahon, le  fief des Goubots. L’origine de ce fief se perd dans les siècles antérieurs. Il advenait que lui étaient attachés le droit de chasse, les droits d’usage dans les bois de la seigneurie de Rahon ainsi que le droit de pêche dans le Doubs et la Loue. Sur le territoire du Gros Saulçois d’une surface de trente hectares s’élevaient quelques maisons et une petite chapelle.

Souvent Olivier se promenait à cheval dans son domaine. Un jour il fit la rencontre d’Anne, une jeune fille de bonne bourgeoisie. Elle impressionna Olivier par la douceur de son clair visage, son abondante chevelure blonde, son front légèrement bombé, ses sourcils peu fournis, son nez et sa petite bouche.

Anne avait des seins assez peu volumineux, effectivement haut placés et écartés l’un de l’autre. Son ventre légèrement en avant sembla à Olivier une allusion érotique.

Il ne pouvait qu’admirer le visage harmonieux, les yeux joliment fendus en amande de la jeune fille sans oublier sa silhouette svelte et gracieuse.

Bien que sa famille eût une assise financière, immobilière importante, Anne se permettait d’accompagner son frère quand il partait à cheval à travers la campagne. C’était une action qui ne correspondait pas à l’attitude où la jeune Anne aurait dû se maintenir. Ce fut d’ailleurs au cours d’une de ces équipées qu’Olivier croisa Anne et son frère.

Comme on était à la belle saison, Anne avait relevé sa longue jupe de toile grise, ce qui découvrait ses longues jambes fuselées. Olivier fut spontanément ébloui par la beauté de la jeune fille et il n’eut qu’une envie, c’était de la rencontrer de nouveau. Si Anne éveillait visiblement le désir d’Olivier, elle n’était pas insensible au charme de ce dernier ainsi qu’aux marques d’intérêt qu’il lui manifestait.

Ce fut après plusieurs rencontres « provoquées » que le galant Olivier invita Anne et son frère à le rejoindre pour participer à une chasse à courre dans la forêt toute proche.

Olivier, comme presque tous les seigneurs locaux, aimait la chasse, combattait le sanglier, de même qu’il observait avec intérêt le vol du héron.

Après la chasse Olivier suggéra à Anne et son frère de le suivre jusqu’au château.

Anne était réticente à pénétrer dans ce lieu, elle savait que c’était l’endroit de vie de la seigneurie mais son attirance naissante pour Olivier, et aussi une certaine curiosité, firent disparaître ses dernières résistances.

Après le long parcours en forêt, ils franchirent la voûte de la porte d'entrée avant de parcourir, toujours à cheval, la vingtaine de mètres pour arriver au pied du donjon.

Quand les sabots de son cheval frappèrent le bois du pont-levis de cette haute tour, Anne sut plus ou moins consciemment qu'elle venait de franchir une frontière qui allait lui ouvrir la porte d'une nouvelle aventure.

À leur arrivée plusieurs palefreniers se précipitèrent pour réceptionner les montures qu'ils emmenèrent aux écuries seigneuriales.

Anne se maintenait dans une prudente réserve. Elle était étonnée par la superficie de la cour intérieure, fermée par de hautes murailles de briques rouges entourées d'un large fossé. Depuis son enfance Anne avait vécu sous l'ombre tutélaire du château et aujourd'hui elle en découvrait l'intérieur.

Si elle écoutait les paroles d'Olivier, elle était curieuse, avide de visiter ces bâtiments qui servaient de logis aux gens du seigneur et aux officiers du château.

Mais ce qui la surprit le plus ce fut le donjon au centre de la cour, où on accédait par un nouveau pont-levis au-dessus d'un large fossé, ainsi que les quatre énormes tours aux coins de cet espace clos.

Anne, tout à la découverte du lieu, en oubliait presque Olivier son soupirant. Ses yeux, son esprit étaient fascinés par l'attrait qu'offrait cette demeure seigneuriale. Ce fut son frère qui intervint en demandant à Olivier de les conduire à la chapelle.

Olivier entraîna ses deux invités vers une lourde porte de chêne. Il tourna une grosse clé et un épais vantail pivota dans un grincement aigu. L'intérieur de la chapelle n'était pas très vaste. Une rangée de 7 piliers espacés d'environ deux mètres, partageait ce lieu sacré en deux parties. Les arceaux de la voûte étaient soutenus par des chapiteaux géométriques en pierre. Deux petites fenêtres en plein cintre avec des vitraux d'une transparence laiteuse éclairaient le mur sur la face opposée.

Après s'être signé solennellement avec l'eau bénite, Olivier marcha jusqu'à l'hôtel surmonté d'un tabernacle en bois devant lequel il s'agenouilla. Anne et son frère firent de même sur un petit banc légèrement en arrière. Après quelques instants Olivier se releva et avec ses deux suivants sortit de la chapelle.

Ce fut alors qu'Olivier parla à Anne de la petite communauté religieuse blottie au bord de la forêt sur un promontoire rocheux, accessible uniquement par un étroit chemin creux longeant la rivière. Cette commanderie avec ses moines soumis à un ordre militaire était sous la protection du seigneur de Rahon.

À l'intérieur du bâtiment, le long du déambulatoire qui aboutissait à la chapelle, s'étirait une rangée de cellules pour les moines.

C'était là qu'Olivier s'était réservé une retraite sanctuarisée, une sorte d'abri au cas où il aurait dû fuir le château en catastrophe. Une sorte de protection, d'assistance réciproque, existait entre les moines soldats et les habitants du château.

Les moines de l’ordre des Templiers n’avaient pas oublié le sort du grand maître Jacques de Molay, brûlé vif sur un bûcher après un procès où il fut accusé de sorcellerie et autres commerces avec le diable.

L’accord entre les religieux et Olivier permettait à celui-ci des pratiques religieuses mais aussi d’autres, plus discrètes, plus secrètes, qui échappaient aux contingences du château.

Anne connaissait les environs du monastère pour les avoir parcourus au cours de ses nombreuses chevauchées. Olivier lui proposa de lui faire connaître le logis des religieux et d’un commun accord un jour fut choisi. Anne avait accepté ce rendez-vous tout en rougissant légèrement.

Elle prit congé avec son frère après avoir remercié Olivier de son invitation et en essayant de dissimuler le trouble qui l’habitait.

Olivier avait trente-trois ans mais n’avait pas d’enfant issu de son mariage avec Claude. Dans l’ombre les gens du château pensaient que la « faute » incombait à la jeune épouse. Ses héritiers étaient les enfants de son frère défunt Jean de Longwy ; Gérard, Jean, Philippe de Longwy. Ce fut plus tard Philippe qui recueillit la succession de son oncle.

La prétendue stérilité de sa femme Claude était-elle la justification propice aux aventures de son mari Olivier : il serait difficile de l’affirmer. Quand il n’était pas en campagne, à guerroyer avec son suzerain Philippe de Bourgogne, Olivier s’égarait souvent avec quelques jeunes personnes consentantes. Une relation avec le seigneur procurait des moments de gloire.

Il était vrai que, en ces temps, l’adultère régnait avec aisance et désinvolture et bien des hommes et des femmes s’y livraient à cœur et à corps joie.

Après quelques semaines le moment de la rencontre arriva. Anne enfourcha son cheval et il ne lui restait plus qu’à parcourir le chemin pierreux vers le grand bois. Des deux côtés s’imbriquaient à perte de vue une multitude de taillis, de bouquets d’arbres et de parcelles cultivées. Une brume diffuse estompait le cours de la rivière au bord de la prairie.

Quand elle arriva au voisinage du monastère, Anne entendit le galop d’une monture, c’était Olivier qui venait de la rattraper. Ce fut alors que les yeux d’Anne s’embuèrent, qu’elle eut du mal à déglutir, elle était en proie à une vive émotion.

Un court instant elle pensa faire demi-tour, s’enfuir, mais la proximité du noble cavalier fit s’évanouir toute velléité de fuite. Quand Olivier arriva à la hauteur d’Anne, son visage s’éclaira d’un large sourire quand il l’invita à le suivre. Son cœur battait la chamade mais maintenant elle galopait au côté du seigneur de Rahon.

Arrivés à la lourde porte du monastère, un moine ouvrit avant qu’un autre religieux plus âgé s’empressât de saluer le seigneur. Les deux cavaliers sautèrent au sol et le moine emmena les deux bêtes. Olivier prit la main d’Anne. Ils montèrent l’escalier traversèrent les couloirs et une galerie éclairés par des chandelles.

Anne fut de nouveau assaillie d’un doute quand ils arrivèrent dans une pièce plus sombre. Elle se souvint des légendes, des fantasmes, des histoires scélérates qui émanaient du monde religieux pour corrompre hommes et femmes.

Des torches donnaient de la lumière jetant aussi des ombres sur des moines en prière. Les murs de briques rouges étaient recouverts de tapisseries brodées qui dépeignaient plusieurs formes de châtiments. Sur l’une d’elles un Christ fantomatique enveloppé de draperies présidait. Sous le trône divin rodaient des démons en tout genre qui attendaient que le jugement divin eût lieu.

C’était une véritable galerie de figures hideuses barbues, à la peau écailleuse et aux crinières de feu prêtes à s’emparer des pauvres pécheurs pour les étriper et leur écraser le cœur. Surmonté d’une torche Saint Michel pesait les âmes sur une balance pendant qu’un diable tentait d’en saisir une en guise de souper.

Ce tableau animé par la lumière changeante imposait la terreur et attisait les flammes de la peur du péché.

Olivier avait infligé à Anne cette épreuve accentuée encore par la prière des moines encapuchonnés et perchés comme des corbeaux sur leurs hauts bancs.

LES LIVRES de Michel Lagut ...

 

 

 

 

 

ET SI ON BATIALAIT   de Michel Lagut ... la vie d'antan, version bilingue.... 

PREFACE de Geneviève Escande-Lagut

 Comment fait-il ? Le voilà déjà à son septième ouvrage ; il est vrai que Michel Lagut a vraiment la fibre de l’écriture. Toutes les idées fusent dans sa tête avec une facilité déconcertante que beaucoup aimeraient avoir. Il passe sans difficulté d’un ouvrage à un autre, complètement différent. Comment le qualifier ?

Mais restons dans le sujet : le patois. Il fait partie de sa tendre enfance ; ça nous ramène au temps qui passe, très présent dans chacun de ses ouvrages.

Si l’auteur se réfère à la communauté du village, ce n’est pas pour relever du communautarisme mais pour exprimer comment la société d’antan était structurée par la culture de l’oralité.

La tradition parlée occupait une place importante. Il ne peut échapper aux lecteurs que le patois est un parler rude, rustique, rocailleux, rapeux même, dont les racines s’enfoncent dans la nuit des temps.

La réalité y apparaît sans être masquée par l’image virtuelle, sans mise en scène. La vie humaine de cette époque n’était pas encore devenue un spectacle médiatisé où du commentaire de l’évènement, on est passé au commentaire de l’absence d’évènement.

Le patois fut la parole utilisée entièrement par les enfants en dehors de l’école, jusqu’à la fin de la dernière guerre.

La population vivait pratiquement en autarcie et le parler du village semblait encore plus affirmer l’unité, la protection de la cellule délimitée par chaque localité !

Ecrire cette préface fut pour moi un grand plaisir et j’espère que la lecture de cet ouvrage vous procurera autant de satisfaction.

Le temps passe si vite qu’un petit voyage dans le passé vous permettra de vous replonger dans la vie de nos « anciens ».

Mais ne soyons pas trop nostalgiques : chaque période de la vie nous apporte de bons moments ; encore faut-il savoir les saisir.

Comme tout s’accélère, il faut justement retrouver le fil de ce qui dure !

 

(Remerciements à Colette et Charles Maitre, du Deschaux,

pour leur aimable collaboration)

 

 

Introduction de l’auteur

 

 Chaque « parler » est la langue de résistance d’une minorité.

Le peuple parle dans sa langue, et c’est aussi par la force des mots qui produisent du sens, que les gens résistent à toutes sortes d’atteintes à leur mode de vie, basé sur l’échange, l’entraide, l’amabilité.

Le patois dans beaucoup de région et particulièrement dans le Jura, soutendait indubitablement toute l’expression de la société rurale jusqu’en 1945.

L’origine de ce « parler » se perd dans la nuit des temps, bien que certaines expressions, certains mots semblent issus du vieux Français et du latin.

Ce langage rudimentaire, un langage de village se plaisait à ne pas se confondre avec celui du village voisin : « l’ouzé » (l’oiseau), n’était pas « l’euzé » ni « l’uzio ».

Ce langage apparemment rustique parfois grossier était celui des paysans et s’associait, parfois, à une dévalorisation.

Au moment de la Révolution, on a voulu favoriser un langage unique, le Français, car plusieurs millions de gens ignoraient la langue nationale.

Le terme « patois » vient de « patoier » qui veut dire agiter les mains, gesticuler ce qui détermine une connotation péjorative du fait qu’on s’exprime par le geste.

La gente bourgeoise ne parlait qu’en Français ; elle n’employait le patois que pour montrer son affabilité à l’endroit des « petites gens »

Comme une proportion importante de la population vivait à la campagne, les divers patois étaient encore en usage avant la dernière guerre.

Durant le temps du conflit, quatre longues années, beaucoup de villages vivaient en autarcie économiquement évidemment mais aussi psychologiquement, spirituellement.

En ces temps de guerre le patois était le « parler » d’une grande partie de la société rurale.

Chaque petite communauté rurale s’isolait avec son langage, son vocabulaire, ses expressions ; la rigueur de la guerre annihilait les différences sociales et beaucoup trouvaient rassurant un « parler » local commun.

Les dangers, les difficultés vécus dans cette sombre époque rapprochaient les gens et le patois était un élément de convergence qui rassemblait.

Néanmoins, c’était le chant du cygne de ces parlers locaux. Avec la fin de la guerre, la société avide de liberté, de joie de vivre, de revanche après les années de souffrance, connut un désir de modernité.

C’en était fait du patois : la génération montante l’ignorait et à partir de là, il ne fut plus utilisé que par les gens plus âgés demeurant au village.

Avec le temps, avec les années, ce parler diminua inexorablement pour disparaître pratiquement à la fin du dernier siècle.

Dans quelques villages, de rares personnes vieillissantes, peuvent encore utiliser le patois : encore quelques années et elles auront disparu.

Ecrire le patois, cela ressemble à une gageure et c’est un peu tenter de résoudre la quadrature du cercle !

Et pourtant, en ces temps de mondialisation où bien des gens se réfugient dans le nationalisme, et le particularisme, la disparition totale du patois semble regrettable à beaucoup.

Des esprits contrariés pourront critiquer l’orthographe, la validité de ces écrits : alors qu’ils mettent en œuvre à leur tour quelque chose qui empêche l’effacement total du patois !

Ce patrimoine linguistique mérite d’être préservé et conservé, ne serait-ce qu’au regard des générations de gens disparus qui l’utilisèrent tous les jours. Ce fut la langue de nos aïeux.

Sans aucune prétention, il a été simplement essayé ici de laisser une trace, un souvenir d’un langage coloré et vivant, si proche aujourd’hui de sa totale disparition.

 

C’qu’on migeot à la maison

 La maison so l’avou on habito ; on y fa à migi, on s’y chauffo, on y causo, on y migeo atou dans l’outau.

Quand yo midi on vin sester autour de la table pour mérander.

Les houmes enlevin yote chapé, peu a sestin sur le banc.

Les fennes servin la soupe aveu un pochon, a remplissin les essites et peu chacun migeo dans son coin.

Les piats etin tauje pareils : on migeo gros de patates, yeto ce qu’on migeo tous les jous : y’en avo des cueutes à ieau pou dsus la lavure du couchon. Y’en avo atou des keutes à la casse aveu la pé qu’on béyo encou au couchon.

Queques fois, on migeo atou du poulo les jous de fête : avant de li coupé le co a l’éto en caige, quinze jous où à leto bin soigni.

Aux bés jous, on cueillo les haricots vés. Quand y’en avo epo, on en metto dans un ptiot salou aveu d’ieau salée pour les migi l’hivé.

Après migi, yavo le déssert : yeto tauje de la routche aveu des us à la nége.

Après avoir bu le café, les houmes bvin la goutte alors que les fennes se servin de ieau de coing.

Et peu, en hivé, on tuo le couchon !

 

 

Ce qu’on mangeait à la maison

 

La maison, c’était où on habitait, on y faisait à manger, on s’y chauffait, on y parlait, on mangeait aussi dans la cuisine.

Quand il était midi, on venait s’asseoir autour de la table pour dîner.

Les hommes enlevaient leur chapeau puis ils s’asseyaient sur le banc.

Les femmes servaient la soupe avec une louche ; elles remplissaient les assiettes et chacun mangeait dans son coin.

Les plats étaient toujours pareils : on mangeait beaucoup de pommes de terre ; c’était ce qu’on mangeait tous les jours. Il y en avait des cuites à l’eau au-dessus de la nourriture pour le cochon. Il y en avait des cuites à la casserole avec la peau que l’on épluchait pour donner au cochon.

Quelquefois, on mangeait du poulet, les jours de fête : avant de lui couper le cou, il était mis en cage quinze jours et il était bien soigné.

Aux beaux jours, on cueillait les haricots verts. Quand il y en avait épais, on en mettait dans un petit saloir avec de l’eau salée pour manger l’hiver.

Après manger, il y avait le dessert : c’était toujours de la brioche avec des œufs à la neige.

Après avoir bu le café, les hommes buvaient la goutte alors que les femmes se servaient de l’eau de coing.

Et puis, en hiver, on tuait le couchon.

PERDITION Roman de MICHEL LAGUT

Préface de Martial Maynadier

Directeur de la Collection le Parc

 

 

Michel Lagut est un écrivain. Sa vocation s’est affirmée depuis son premier récit UN TEMPS DE GUERRE, paru en 2013, suivi d’UN TEMPS DE COLLÈGE. La pluralité des capacités de sa plume s’est révélée ensuite dans un essai socio-philosophique, LE TEMPS CE N’EST PAS DE L’ARGENT, puis un ouvrage sur son Village, RAHON, AU FIL DU TEMPS, et un ouvrage de réflexion sur LA MORT, DE PROFUNDIS

PERDITION est son premier roman, et ce coup d’essai est un coup de maître.

Le livre déroule le cheminement de la vie sociale, psychologique et amoureuse de Rafaël.  Dans les premières pages, on découvre un adolescent plein de vie, avec ses rêves, ses valeurs, ses espoirs, ses projets, son goût de l’indépendance et des plaisirs sensuels.

Puis apparaît un adulte, mû par ses élans, son affectivité débordante mais qui affiche une blessure narcissique et un besoin de reconnaissance et d’amour. Il arrive parfois à une osmose sexuelle où il est pleinement attentif à tous les charmes des plaisirs de la chair : c’est là, qu’il ressent le plus l’intensité de la vie. Mais l’amour et la tentative de vivre en couple et de fonder une famille vont l’entraîner dans une spirale négative.

Ses amours tumultueuses passent par des relations empreintes de passions, d’illusions, qui débouchent sur la jalousie, la peur de perdre l’autre. Rafaël de plus en plus incertain de sa voie, s’égare lui-même dans les méandres des attentes, des projections illusoires, en ne cessant d’espérer que l’autre comblera ses manques, ses désirs.

Cette vie turbulente, il ne saura la conduire à un accomplissement salutaire !

Et comme le dit Schopenhauer : « la vie oscille comme un pendule, entre la souffrance à l’ennui »

Celle de Rafaël en est une illustration ! 

 

C’est une histoire puissante et tragique que nous conte l’auteur avec une force d’expression peu commune, un sens du détail et de l’analyse qui donne une forte impression de vérité.

Les ressources d’une langue maîtrisée et d’un style très personnel, donnent au livre une couleur particulière ; l’auteur ne recule pas devant une inventivité linguistique, créant parfois des néologismes pour mieux suggérer sa pensée.

 

Le récit n’est pas à la première personne, mais le narrateur en empathie avec son personnage, épouse son parcours et entraîne le lecteur dans une étroite association avec le triste héros du roman. On souffre avec lui, on se perd avec lui, jusqu’au point final libératoire…

 

 

RAHON AU FIL DU TEMPS de Michel Lagut

Après « Un temps de guerre », « Un temps de collège », « Le temps n’est pas de l’argent », l’auteur nous ramène dans son bon vieux village de Rahon : il a mené une enquête minutieuse auprès des plus anciens habitants, et fouillé dans les archives pour dresser des portraits « hauts en couleur », originaux, pittoresques, souvent drôles, parfois émouvants de 1870 à nos jours.
Il nous apporte une mine d’enseignements sur le Rahon d’autrefois qui passionnera les personnes férues d’histoire.
Le titre de l’ouvrage nous invite à découvrir les moments, les espaces mis à nu, les ombres et les lumières d’un village. Cette juxtaposition dévoile les paradoxes qui existent dans les relations humaines entre le vertueux, l’estimable, et leurs contraires, l’indigne et l’avilissant.
L’auteur semble vouloir rester en dehors des polémiques du microcosme rahonnais, mais ses sentiments apparaissent soudainement au détour d’un paragraphe, d’une phrase, surtout dans la dernière partie, la plus récente.
On trouve la plume acérée, tour à tour tendre et féroce, la facilité d’écriture, la capacité d’analyse, l’humour aussi, que Michel Lagut a su exprimer dans ses précédents ouvrages !
Nul doute que chaque Rahonnais, et au-delà chaque lecteur, trouvera un plaisir à la lecture de cet ouvrage et ressentira la nostalgie qui se dégage au détour de certains paragraphes.
Dany Gonnet

 

 

 

 

 

 

 

 

LE TEMPS CE N'EST PAS DE L'ARGENT   de  MICHEL LAGUT

 

Avant propos de Martial Maynadier

Directeur de la Collection Le Parc

Un temps d’Apocalypse

Ce nouveau livre de Michel Lagut suscite d’abord l’étonnement. Le lecteur qui a déjà apprécié ses livres précédents, Un temps de Guerre, et Un temps de Collège, connaît l’habileté d’écriture et la finesse d’analyse de l’auteur, mais  cette fois le sujet de l’ouvrage ne porte plus sur l’évocation de souvenirs personnels ni ne constitue un témoignage sur des temps révolus. Il s’agit bien au contraire de proposer une réflexion profonde, philosophique et politique (au sens noble du terme) sur notre monde contemporain et son devenir.  Michel Lagut révèle ici une érudition, une information, une capacité d’analyse et de prospective qui laissent pantois. Et c’est l’admiration qui se développe au fil des pages  devant la fresque brossée par un sage à l’œil et à la plume acérés qui transpercent et dénoncent les faux semblants de la « bienpensance » contemporaine. Le livre révèle peu à peu sous le regard ébahi du lecteur les réalités tragiques du monde où nous vivons. Il déchire les voiles, arrache les masques, brise les écrans qui nous abusent, et d’un ton tantôt didactique et familier, tantôt prophétique, il nous donne à voir une situation redoutable, celle de nos sociétés prétendues développées qui nous conduisent à la catastrophe inéluctable, si ne se lève une « armée d’insoumis pacifiques »  qui change le cours des choses.

Ce livre est un avertissement avant l’apocalypse annoncée pour une humanité fourvoyée.

 

UN TEMPS DE GUERRE de MICHEL LAGUT

Préface

La guerre pour la plupart des français d’aujourd’hui est du domaine de l’ailleurs. Une horreur lointaine, des images, des reportages venus de l’étranger. Préservées depuis quelque soixante dix ans les campagnes et les villes françaises n’imaginent pas la confrontation avec la violence de masse qui s’abat sur toute une communauté, le face à face soudain avec la destruction, la terreur et la mort. Cette menace pourtant, encore présente si proche de nous, qui a ravagé une partie de l’Europe à la fin du siècle dernier dans les guerres de l’ex Yougoslavie et qui frappe encore des populations proches de nous sur d’autres rives de la méditerranée, cette irruption soudaine du cauchemar dans la vie quotidienne, elle demeure dans la mémoire de nos anciens. Les plus âgés ont vécu leur enfance dans un monde où la guerre n’épargnait ni femmes ni enfants, ni civils d’une façon générale. Michel Lagut témoigne ici, avec tout à la fois une mémoire vive et le recul du sage, de ce que furent ces enfances au quotidien sous le signe de la guerre. Son récit fait œuvre de mémoire et aussi d’avertissement. Au-delà de cet intérêt, il révèle un écrivain qui sait mettre en scène ses images intérieures, captiver amuser, analyser. C’est un auteur de bonne compagnie, qui nous livre ici son premier ouvrage, non le dernier à n’en pas douter.

                                                            Martial Maynadier

UN TEMPS DE COLLEGE de Michel Lagut

Pésenation par Serge Etiévant

Arc... collège de l’Arc...
...voici soudain surgir de part et d’autre du jeune pensionnaire angoissé de redoutables et stoïques arches.
Dans ce Dole des années 50, ces arcades séculaires, emboitées en perspective presqu’infinie d’hyperboles autoritaires, recelant encore l’ombre des Jésuites, lui préfiguraient-elles les arcanes d’un classique et austère savoir ?
Rien n’est moins sûr.
En tout cas, si le carcan traditionaliste d’après-guerre est bien là, planant sur les grands dortoirs et les heures d’étude, on y rencontre déjà, en résistance à l’autorité, aux conventions obsolètes et au latin, l’élan d’un esprit rétif, résilient et philosophe en cette aube des Trente Glorieuses.
Ici, c’est à nouveau Michel Lagut, « mon » instit’, qui nous fait partager un autre temps de sa jeunesse. Un temps d’études chaotiques, de vie collective à apprivoiser, mais aussi un temps de chahut, de solidarité, de sport et de découvertes adolescentes.

Serge Etiévant

Prologue

  Les écrits de ce simple et modeste ouvrage n’ont pas l’intention ni vocation à exprimer une vérité objective, mais visent à rester au plus près de la réalité.

A la lecture du récit, il se peut que certaines personnes considèrent que les souvenirs sont soit altérés ou mis en exergue ; ceci peut être ressenti.

Avec le temps, avec les aléas de la vie, la mémoire s’effiloche. Il n’est pas question de rappeler une tranche de vie avec une énumération non exhaustive des évènements qui ont jalonné cette période de jeunesse.

En résumé : si des camarades avaient la courtoisie de lire cet opuscule, qu’ils le fassent avec aménité et bienveillance, tout en exprimant avec vigueur une critique sans condescendance. On doit toujours entendre une analyse objective venue de ses pairs, ceci est une condition incontournable du respect de la liberté de penser propre à chacun.

  Si le texte peut apparaître comme l’expression d’un individualisme écrasant, telle n’est pas sa visée : il n’est pas rédigé pour faire apparaître une suffisance, un amour de soi, un besoin de paraître, tellement commun aujourd’hui.

On n’a pas voulu non plus que le monde du collège s’affiche comme anecdotique, égocentrique et prétentieux. C’était un microcosme relativement clos, mais aussi un lieu où les opinions libertaires cohabitaient avec un conservatisme éclairé.

Pour bien saisir l’atmosphère et le cadre de ce petit recueil, il faut savoir que le collège de l’Arc avait qualité de lycée : l’enseignement y débutait à l’école primaire pour se terminer au baccalauréat.

 Michel Lagut

Commentaires

LAGUT M.Christine

07.08.2021 16:21

Derniers commentaires

10.05 | 13:25

Hello Didier,
Après Art-Cœur, un autre point de contact avec tes mondes poétiques, j'attends la prochaine rencontre avec impatience,
Christian

24.04 | 07:54

"La véritable musique est le silence et toutes les notes ne font qu'encadrer le silence" (Miles Davis)

08.11 | 18:36

Bonjour, j'ai cotoyé votre maman à Molay et je voudrais vous envoyer une photo que j'ai prise devant sa maison natale

07.08 | 16:21

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